Andre Agassi a toujours détesté le tennis (US Open).
Alors que les Jeux olympiques de Tokyo ont couronné d’or Alexander Zverev et Belinda Bencic, de mon côté, je me suis plongé dans les écrits du légendaire Andre Agassi. 
Mon idole de jeunesse, mon modèle de tennisman, celui à qui je voulais ressembler. 
Saviez-vous qu’il détestait le tennis? Qu’il aurait préféré le football, un sport d’équipe, afin de lui permettre d’être entouré de ses coéquipiers? De ne pas être seul. 
Aimer être seul, se battre pour en sortir, l’accepter… 
Le tennis est un sport solitaire, bien que, à un haut niveau, les athlètes ont un entourage qui prend soin de leur jeu, de leur corps et de leur tête. 
Mais sur un terrain de tennis, vous êtes seul.e.s. Surtout pendant un Grand Chelem, là où vous n’avez même pas le droit de demander une visite de votre entraîneur, pendant un match. 
On voit souvent les joueurs et les joueuses se parler. Monologuer – voire soliloquer - à voix haute, tel Hamlet, prince du Danemark. 
Dans leur délire de jeu, les joueuses et les joueurs parlent souvent à quelqu’un. S’adressent à des gens. Non, ils et elles ne s’adressent pas au fantôme du Noël passé, mais bien à leur équipe, à leur « coach », à leur camp. Mais personne ne répond. On ne fait qu’écouter. Une écoute inconditionnelle. Une écoute qui peut, à certain moment, réconforter. 
C’est bizarre le tennis, c’est difficile et c’est frustrant. Personne ne peut vous aider, lorsque vous êtes sur le court. Il faut puiser à l’intérieur de ses apprentissages, se sortir du pétrin, se démerder. Seul… 
J’ai toujours aimé me démerder seul. Nous ne sommes jamais mieux servi que par soi-même. J’ai été élevé dans les sports individuels comme le tennis et la natation. J’aurais voulu pratiquer le 100 m et j’ai toujours été bon en athlétisme. La solitude même. 
Mais le tennis vient chercher quelque chose aussi anxiogène qu’apaisant. Aussi frustrant que satisfaisant. Comme le vivait Agassi. 
Bon, je suis loin d’être un champion comme le Kid de Las Vegas l’a été, mais je me reconnais dans ce qu’il écrit. 
En 1992, Agassi remporte son premier titre Grand Chelem, sur le central de Wimbledon (Photographe inconnu).
Agassi avait un père toxique qui avait tracé une route pour lui avant même sa naissance. Il serait joueur de tennis professionnel, mais pas n’importe lequel… le numéro un mondial. 
Il lui a imposé sa volonté. Et Andre a fini par se résigner, pas à l’accepter, mais à se vautrer dans ce trou noir qui l’aspirait. Il a été aspiré jusqu’au succès, mais ça aurait pu le détruire. À bien y penser, ça l’a détruit, en quelque sorte. 
Il s’est donc rebellé. « He was acting out », comme on dit en anglais. Il est devenu un « mauvais garçon » : cheveux longs, boucles d’oreilles, short en jeans et couleurs de vêtement flamboyantes. Vous me direz que ce n’est pas de la grande rébellion, mais pour un sport aussi conservateur, rempli de protocoles et de traditions, ça l’est tout à fait. 
En constante colère, une colère qu’il a transformée en éthique de travail réglé au quart de tour. À la recherche de petits détails dont personne ne remarque, les petits moments trop souvent laissés de côté ou, tout simplement, négligés, qui font la différence entre une victoire ou une défaite. 
Il a été numéro un mondial et a remporté huit tournois du Grand Chelem. Non sans douleur, non sans séquelles physiques et psychologiques, non sans déséquilibre émotif. Mais toujours avec une grande empathie. 
 Andre Agassi, les yeux remplis de compassion, de reconnaissance et de tristesse, vers la fin de sa carrière (Times).
Je suis un animal solitaire, toujours en quête de solitude. Je vis bien dans mes quartiers. Ça fait de moi quelqu’un d’étrange peut-être, de bizarre, de particulier. Une hermite? À vous de juger. 
Lorsque j’aime quelqu’un ou quelque chose, je m’engage corps et âme, j’étudie, je dissèque, j’analyse, j’aime passionnément… Tout ce qu’il faut pour exceller au tennis.
Peut-être devrais-je passer plus de temps à me disséquer moi-même. Peut-être. En fait, oui, je le fais, mais c’est difficile de se regarder dans le miroir et de se dire que ça, c’est OK ou que ça, ça ne l’est pas. Ou de seulement ne pas comprendre et de s’avouer que ça ne se réglera pas en cognant un as ou un coup gagnant, mais bien en acceptant l’échange, 15, 30, 40 coups, trouver la faille et attaquer, ou s’approcher en finesse et mettre ça derrière nous, pour enfin passer à autre chose. 
Vivre dans le moment présent est essentiel au tennis, mais les vieux démons ressurgissent tellement facilement. 
Le tennis d’Agassi, son histoire, me ramène, à certains égards, à ma propre existence. Le tennis comme tel, un sport puissant, physique, frustrant, élégant, intelligent et isolé, tel un désert de Vegas, me fait penser à ma personne, à mon style d’être humain, à mes combats. 
Des combats intérieurs, qui viennent bien souvent de l’extérieur, qui ont été façonnés et créés par des gens qui n’étaient pas à l’écoute. Qui ne le sont toujours pas et qui ne le seront jamais. 
Le tennis est un combat un contre un. Contre un adversaire, oui, mais surtout contre soi-même. Personne ne peut vous sortir de là, seulement vous-même. 
Agassi s’en est sorti. Je finirai bien par y arriver.  
                




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