Alors que le deuxième Grand Chelem de la saison est en cours à Paris, la joueuse la plus populaire de la WTA a décidé de boycotter les médias, à Roland-Garros.
— NaomiOsaka大坂なおみ (@naomiosaka) May 26, 2021
Elle ne l’a pas formulé ainsi puisqu’Osaka n’a pas la prétention de se proclamer leader d’une cause en particulier. Elle le fait, c’est tout. Comme tous ses masques de sensibilisation aux victimes de la brutalité policière, portées lors du US Open 2020. 
C’est une force tranquille sur le court. Elle l’est également hors de celui-ci. 
Sans le proclamer haut et fort, Naomi Osaka est une militante. 
Naomi Osaka, au US Open 2020 (Getty Images).
Dans son message, elle parle du fait qu’elle ne comprend pas pourquoi les joueuses doivent participer à une conférence de presse à la suite d’une défaite. Elle trouve que c’est frapper sur quelqu’un, alors que cette personne est déjà par terre. 
Elle parle aussi de toutes ces questions redondantes posées par les journalistes. Toujours les mêmes et parfois des questions inappropriées, relatant du manque de sensibilité que certains reporters peuvent démontrer. 
Pendant presque quatre ans, j’ai travaillé pour la Ligue canadienne de football (LCF), où je devais faire des entrevues avec des joueurs afin de créer du contenu pour les partisan.e.s. J’avoue qu’à plusieurs reprises je me suis remis en question. Je tentais de me mettre à la place des athlètes qui se pliaient à ce genre d’exercice. Bien sûr, des questions revenaient, on ne peut pas y échapper, mais je faisais de gros efforts pour tenter de rendre l’expérience agréable, le plus possible. Seuls les joueurs aux épaulettes pourraient me confirmer si j’ai bien fait. On le saura peut-être un jour. 
Tout ça pour dire que la position des athlètes ne va pas de soi dans ce genre de processus. Il faut les écouter, tenter de comprendre dans quel état elles ou ils sont avant de poser les questions. Loin de moi l’idée de penser que je suis meilleur que quiconque, mais la sortie d’Osaka m’a fait réfléchir à ça.
Just received this from the WTA about Osaka's decision not to take part in press conferences during Roland Garros pic.twitter.com/k6xG74jBXm
— Christopher Clarey (@christophclarey) May 28, 2021
Alors, la WTA considère les enjeux de santé mentale comme un sujet de la plus haute importance. L’organisation de tennis explique brièvement qu’elle a une équipe de professionnel.le.s qui s’occupe de cet enjeu et qu’elle entamera un dialogue avec Naomi Osaka – et les autres joueuses – afin de trouver d’autres façons de faire. 
Une réponse convenue, mais avec une écoute. La WTA voudra écouter Osaka afin de trouver des solutions. C’est la chose la plus importante à retenir de cette réponse. 
On ne dénonce pas pour dénoncer. On dénonce pour faire avancer les choses, pour changer, faire évoluer les mentalités vis-à-vis d’un sujet précis. 
Bon, la WTA en a profité pour lancer une petite flèche en expliquant que c’est la responsabilité des athlètes professionnel.le.s de répondre aux questions des médias afin de raconter leur histoire et de donner leurs points de vue. Bref, les joueuses et les joueurs ont une responsabilité envers leur sport et envers leurs partisan.e.s. 
OK. J’en suis. Mais jusqu’où va cette responsabilité ? C’est à ça qu’il faut réfléchir aussi. Ça doit être de la bonne télévision – d’un point de vue médiatique, s’entend - de voir une joueuse – ou un joueur - fondre en larmes au cours d’une conférence de presse, mais pour l’athlète, quelles en sont les répercussions ? 
De plus, toujours dans son message, Osaka mentionne les amendes que les joueuses peuvent recevoir si elles ne coopèrent pas. Intéressant, mais alarmant. À suivre… 
Le militantisme règne chez les joueuses de tennis, et ce, depuis longtemps. Nous pourrions dire qu’à travers l’histoire, la force de dénonciation vient souvent des femmes. 
Si on regarde l’humanité à travers la loupe du patriarcat, si on analyse le monde d’un point de vue féministe, il est normal en quelque sorte de voir les femmes dénoncer, prendre acte, s’organiser, prendre le porte-voix. 
Nous vivons dans une société patriarcale, faite par et pour les hommes depuis tant de générations. Moult avancés ont eu lieu, plusieurs étapes ont été franchies, plusieurs plafonds de verre ont été brisés. Et c’est grâce aux femmes. 
Je ne donnerai pas un cours d’histoire ici, je m’exprime par rapport à mes propres connaissances, mes propres lectures, mes propres analyses. De plus, en tant qu’homme, je ne me complairai pas dans la « mecsplication » du mouvement féministe ou de l’histoire des femmes, ce serait très inapproprié. Faites vos recherches et tirez-en vos conclusions, mais surtout, écoutez les femmes. 
Bref, l’hégémonie masculine régnait fortement sur le tennis, jusqu’à ce que Billie Jean King et sa bande en aient assez. En 1973, King fonde la WTA, la Women’s Tennis Association. Elle veut que les femmes soient traitées équitablement, aussi bien pour les bourses remportées, le prestige des tournois, la place médiatique des joueuses et le jeu de la WTA en tant que tel.
Beaucoup a été fait depuis ce temps, mais beaucoup reste à faire. Vous n’avez qu’à lire les commentaires sous les publications de Naomi Osaka pour le constater. Une femme qui prend position, c’est une femme irrespectueuse, qui n’a pas de classe, qui manque à ses responsabilités et tout le bataclan. Un homme qui prend position, qui élève sa voix, est fort, a du caractère, joue dans les coins, etc. 
Mais les joueurs de l’ATP prennent-ils vraiment position sur des enjeux sociétaux ? Pas à ce que je sache. Pas dernièrement en tout cas. Où étaient les vedettes masculines lors du mouvement Black Lives Matter ? Où sont les joueurs pour appuyer Osaka dans sa démarche ? Les hommes n’ont pas besoin de dénoncer. Ils ont tout cuit dans le bec depuis la nuit des temps. 
Il y a certes des hommes qui sont des alliés, mais on ne les entend pas beaucoup. Andy Murray l’a souvent fait, défendant Serena Williams dans le passé ou choisissant Amélie Mauresmo comme entraîneuse. 
Si les hommes du tennis veulent bien se lever et parler… Mais pas trop. Il faudrait plutôt écouter. 
Mais se lever pour affirmer qu’il faudrait tendre l’oreille serait déjà un bon début.       
   
  



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