Le service : le coup le plus engageant


Crédit photo : Tim Clayton / Corbis / Getty


Pieds et épaules parallèles, raquette à 90 degrés. Regarder où je veux envoyer ma balle. Fixer l’épaule gauche et lancer la balle à 13 h, c’est-à-dire en diagonale de mon épaule gauche. La motion de mon bras gauche (la balle) et de mon bras droit (la raquette) doit se faire simultanément. Yeux sur la balle jusqu’à l’impact. À l’impact, bras gauche sur le corps et pronation vers l’extérieur. 

(Et puis toute la poussée avec les jambes que je n'ai pas encore détaillée.)

Voici les notes que j’ai prises pendant mes cours. Notre « coach » se basait pas mal sur les services de Simona Halep et de Stan Wawrinka. Deux services classiques, mais efficaces. 


« C’est simple un service », nous disait-il. « Il suffit de faire tout ça — ce que j’ai pris en note — et tout ira bien. » 

Un temps. 

Facile à dire, mais je comprenais où il voulait en venir. Il voulait dédramatiser la situation. Rendre le service accessible. Comme mon prof de maths de secondaire 2 l’avait fait, jadis, dans une galaxie très lointaine. Il nous avait écrit une formule d’algèbre au tableau en début d’année en nous expliquant de ne pas être intimidés, que ce n’était pas si sorcier. Qu’il fallait simplement savoir comment ça fonctionnait. Par la suite, le stress diminuerait. 

Un peu comme le service, hein ? Il faut simplement savoir comment ça marche. Et, par la suite…

Intéressant comme méthode, j’en suis. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que, selon moi, le service au tennis est l’une des remises en jeu les plus engageantes du monde du sport. Sinon la plus engageante.

Au hockey, on dépose la rondelle, au football, on botte le ballon, au soccer, c’est l’une des deux équipes qui fait la passe, sans aucune opposition adverse, etc. Au tennis, la joueuse ou le joueur fait tout. Elle ou il lance la balle et… Bon, référez-vous donc à ce que j’ai écrit en début d’article. 😎

C’est effectivement engageant un service au tennis. C’est plus de 50 % du jeu. Ce n’est pas seulement une simple remise en jeu. En fait, ça peut l’être, mais vous le paierez cher en retour de service. Surtout si vous affrontez Serena ou Djoko, la meilleure retourneuse et le meilleur retourneur au monde. OK. Vous ne les affronterez pas, mais vous comprenez ce que je veux dire. 

Il ne s’agit donc pas de simplement remettre la balle dans le carré de votre diagonale. Non. Vous devez penser à l’emplacement. Sur le « T », sortant, au corps… Et à l’effet désiré. Coupé, brossé, à plat… Et intégrer la technique. 

Ce coup de tennis est le plus important. Si votre service n’est pas assez régulier, bien placé et suffisamment puissant au cours d’un match, eh bien, vous perdrez. 

Michael Chang a eu une belle carrière, mais il n’a jamais eu un très bon service. Si ça avait été le cas, il aurait eu une carrière plus prolifique. Bien sûr, il l’a amélioré au courant de son périple professionnel, mais ce n’est pas par son service que nous nous souvenons de lui. C’est plutôt par sa ténacité, sa rapidité, par sa façon de retourner tous les coups et de ne jamais lâcher. Ce sont de bons atouts, mais pour de la longévité, il faut être capable de terminer le point avec un as ou, à tout le moins, avec un service en attaque qui diminuera la longueur de l’échange. C’est comme ça que les meilleur.e.s gagnent et qu’elles et ils peuvent jouer jusqu’à presque 40 ans. Comme Serena Williams et Roger Federer. 


Il y a 20 ans, j’ai arrêté de jouer un peu à cause de mon service. Je n’y arrivais pas et ça me décourageait. J'étais déjà 6 pieds et je n’étais pas en mesure d’utiliser ma grandeur afin de dominer au service. Je commençais même à me faire battre par des plus jeunes et plus petits que moi. Et, selon un de mes « coachs » de l’époque, ma raquette était aussi trop lourde. Mais ça, c’est une autre histoire. 

Depuis que j’ai repris le jeu, ça va mieux. C’est un démon que je commence à chasser. Et ça m’a surpris à quel point je me suis amélioré, et ce, en peu de temps. Il faut dire que je suis plus mature et plus sage. Je prends le temps et je respire. Parce qu’il faut respirer au tennis. Inspirer, expirer. Comme Rafael Nadal.


Mais, bien qu'il soit difficile et technique, le service est un moment de pure beauté, de poésie même. La motion, le mouvement du corps avant-arrière, le lancer de balle, la coordination, la finition, le regard vers l’horizon. 

Le service, c’est, chaque fois, une naissance, tel le phénix qui renaît de ses cendres. Le point se termine et il y aura un autre service. Que vous ayez remporté ou non ce foutu point, vous servez à nouveau. Et, selon la nature et l’enjeu du point, avec une nouvelle tactique. C’est une constante redite, mais aussi un renouveau. On ne fait presque jamais le même service. Oui, nous aurons un style, mais il s’adaptera à la joueuse ou au joueur devant nous et au point que nous aurons à jouer. Le service est un coup vivant, il vit par lui-même et il faut le dompter. 

Pas simple, mais tellement exaltant lorsque ça fonctionne. Et déprimant pour l’adversaire. Parlez-en à André Agassi, lorsqu’un certain Pete Sampras, 19 ans, remportait, en 1990, son premier US Open et son premier Grand Chelem en carrière, en trois manches de 6-4, 6-3 et 6-2. 


De toutes les premières balles de service qu’il avait réussies, plus de 25 % d’entre elles étaient des as. Agassi, le meilleur retourneur de sa génération, n’en revenait tout simplement pas. Et moi non plus d’ailleurs. 

J’en rêvais de ce service. Le « Sampras serve ». 

Il y a 20 ans, j’ai lâché. Vingt ans plus tard, je suis sur la bonne voie.


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